Avant l’apparition du Tribunal de la Fonction publique, chaque partie supportait ses propres dépens. Mais après sa création, le régime a été modifié et le justiciable est désormais confronté au risque d’assumer des doubles dépens de procédure en cas de défaite.
Les règles en matière de dépens sont prévues aux articles 134 et suivants du Règlement de Procédure du Tribunal de l’Union européenne qui stipulent, entre-autres, que « toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens ». Notons que le juge conserve une marge d’appréciation dans la répartition et la condamnation des parties aux dépens.
Seuls les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure sont considérés comme dépens récupérables.
En cas de contestation par la partie qui succombe au paiement des honoraires de la partie adverse, une procédure en taxation des dépens devant le Tribunal sera initiée.
Dans le cadre de la mise en œuvre de son pouvoir d’appréciation, le juge apprécie librement les données de la cause, en tenant compte de cinq critères objectifs : l’objet et la nature du dossier, l’importance de celui-ci, les difficultés de la cause, l’ampleur du travail des intervenants (agents, conseils ou avocats), et les intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties.
La jurisprudence rappelle au sujet de cette procédure que « le juge de l’Union est habilité non pas à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens » (ordonnance du 12 octobre 2017, Marcuccio/Commission, aff. T-207/12 P-DEP, ECLI:EU:T:2017:727, point 22).
Dans la pratique, la note des dépens peut être salée pour le fonctionnaire ou agent justiciable. En effet, non seulement il assume les frais de sa propre défense mais en outre, il assume le risque de devoir rembourser les dépens de l’Institution.
Ce contentieux trouve sa source dans le fait que les Institutions sont autorisées à faire appel à un tiers conseiller, lequel facturera ses heures de travail sans envisager objectivement (ou, en réalité, subjectivement en fonction de la situation du justiciable condamné aux dépens) les frais subséquents (L’Institution ayant des moyens financiers plus conséquents que les particuliers).
Le justiciable assumera ainsi, au travers des impôts communautaires, le paiement de la rémunération de l’agent de l’Institution en charge du dossier contentieux mais, également, au travers de la condamnation aux dépens, le paiement de la rémunération de l’avocat/du conseiller externe.
Il pourrait arriver que certaines Institutions usent et abusent du droit de se faire assister et de répercuter l’intégralité des frais de défense par un externe alors même que le service juridique interne sera intervenu sur le dossier et aura, en principe, dû permettre l’intervention sporadique de l’externe sur des questions juridiques bien précisés.
Le tribunal pourrait alors condamner cette pratique dès lors qu’il a déjà consacré la règle selon laquelle :
« Il y a, ainsi lieu de constater que, au regard de la nature du litige, de son objet, de son importance sous l’angle du droit de l’Union, des difficultés de la cause et de son intérêt économique, l’affaire […] ne nécessitait pas une charge de travail importante pour la Commission. Dans ces conditions, le Tribunal estime qu’il y a lieu de réduire le nombre d’heures dédiées par l’avocat externe à la rédaction du mémoire en réponse susmentionné et, ainsi, le nombre total d’heures dédiées au traitement de la présente affaire de 13,45 à 9 et 30 minutes » (ordonnance Marcuccio/Commission, op cit.).
En conclusion, le justiciable sera vigilant, à la réception de la facture des dépens de la partie adverse et vérifiera la teneur de celle-ci et, le cas échéant, de la contester. Il veillera, au besoin, à mandater son conseil pour l’introduction d’une requête en taxation des dépens si l’Institution devait camper sur sa position. Sur la base d’une grille de critères objectifs, le Tribunal appréciera le caractère raisonnable de la somme réclamée.
Nathalie de MONTIGNY & Elisabeth DEWULF