Citer un débiteur en justice, signifier et exécuter un jugement à son encontre, quand ce dernier n’est pas établi sur le territoire belge et qu’il n’y dispose pas d’un domicile peut s’avérer parfois, voire même malheureusement trop souvent, complexe.
Le législateur a entendu faciliter le processus de notification d’actes procéduraux dans l’Union européenne et réduire ainsi les coûts dans le chef du créancier.
Contrairement aux idées reçues, la question de la langue utilisée dans le cadre d’une notification judiciaire n’est pas aisée et n’est bien évidemment pas laissée à la libre appréciation des parties.
Toutefois, alors qu’auparavant l’expéditeur de l’acte procédural (c’est-à-dire dans la majeure partie des cas le créancier) devait l’adresser à son destinataire (le débiteur de l’obligation notifiée) exclusivement dans une des langues officielles de l’Etat membre sur le territoire duquel la notification de l’acte devait avoir lieu, depuis 2008, le législateur a ajouté une option complémentaire au bénéfice de l’instigateur de la notification. Ainsi, il lui est loisible d’adresser l’acte dans une langue qu’il estime que son adversaire comprendra.
Cette notification se fait par l’intermédiaire, depuis la Belgique, d’un huissier de justice qui adresse au destinataire de l’acte, via une entité spécifique (dont chacun des Etats membres aura listé l’identité) un formulaire ad hoc par le biais duquel le destinataire de l’acte pourra indiquer, endéans un délai d’une semaine, qu’il refuse de recevoir cette notification et qu’il entend solliciter qu’une nouvelle notification lui soit faite parce qu’il ne comprend pas la langue choisie par l’expéditeur.
Dans ce cas, l’huissier en charge de la notification devra adresser un nouvel acte traduit soit dans la langue mentionnée par le destinataire de l’acte au travers de son formulaire soit dans la langue officielle de l’Etat membre où a eu lieu la signification.
Tenant compte de l’importance des coûts générés par une traduction d’un acte, qui comporte souvent une quantité de pages plutôt rédigées en de termes indigestes, cette faculté d’utiliser une langue comprise par le destinataire permet de réduire les frais procéduraux liés à une telle notification. En effet, dans la majeure partie des dossiers, cette langue aura été utilisée par les parties dans le cadre de leur relation antérieure au litige et ne sera pas une langue totalement étrangère au litige.
Bien qu’en principe, ces frais sont à charge du débiteur de l’obligation (et donc de la partie qui succombe dans le cadre du procès initié), il n’en demeure pas moins qu’ils sont avancés par la partie qui cite ou qui notifie l’acte de sorte qu’en cas d’insolvabilité du débiteur, le créancier aura été prudent de réduire ses dépenses.
Des difficultés pourraient néanmoins apparaître en cas de refus de la notification intervenue dans une langue que le destinataire de l’acte entend soutenir qu’il ne comprend pas.
Bien que ce refus aura pour conséquence de retarder le processus de notification, il est de règle que la première notification ne sera pas pour autant de nul effet et qu’une régularisation pourra intervenir a posteriori. Néanmoins, cela impliquera une dichotomie quant aux dates à prendre en considération par rapport aux effets engendrés par ladite notification :
- à l’égard de l’émetteur de la notification, c’est la première qui vaudra ;
- à l’égard du destinataire de l’acte, la notification ne sera considérée comme ayant été effective qu’à la date de la régularisation.
La Cour de justice précise que la régularisation doit avoir lieu sans délai (un délai d’un mois étant considéré par la Cour comme étant raisonnable).
En cas de difficulté particulière liée à l’application de ces dispositions réglementaires, il appartiendra au juge national d’apprécier la situation en fonction des circonstances du cas d’espèce.
On recommandera donc aux avocats d’être prudents afin d’éviter de retarder significativement la procédure.
A noter également qu’un refus abusif d’un acte notifié dans une langue spécifique qui n’est pas l’une des langues officielles de l’Etat membre destinataire de l’acte pourra impliquer que les frais de traduction requis par le destinataire soient mis à sa charge (même s’il devait avoir obtenu gain de cause dans le cadre de la procédure et qu’en principe les frais judiciaires ne soient pas mis à sa charge). Il reviendra ainsi au juge saisi de la problématique d’apprécier la véracité de l’absence de connaissance et de compréhension de la langue utilisée par l’émetteur de l’acte.
Il sera par ailleurs préférable, si des annexes devaient compléter l’acte principal, de les traduire également, pour autant selon la jurisprudence de la Cour de justice, que celles-ci sont indispensables à la compréhension de l’acte principal. Cette mesure permettrait de préserver le principe du contradictoire et de respect des droits de la défense du destinataire de l’acte.
Cette réglementation facilite grandement le recouvrement de créances en matière de commerce entre Etats membres dès lors qu’en principe la langue d’usage entre partenaires commerciaux est l’anglais et que, partant, la majeure partie des actes notifiés dans ce cadre feront l’objet d’une traduction en anglais.
Elle offre également aux cours et tribunaux belges intervenant en appel de notifier les actes à destination d’un citoyen européen dans la langue utilisée dans le cadre de la première instance, faisant l’économie d’une traduction dans une langue qui ne serait aucune de nos langues officielles.
Il est recommandé à tout émetteur d’un acte qui préfèrerait assurer l’efficacité de la notification et éviter tout retard dans le processus de notification de favoriser la traduction dans la langue officielle du pays destinataire.
Nathalie de MONTIGNY & Jean-Benoît GERARD